MARCHÉ MONDIAL : L'AUSTRALIE VEUT TENIR SA PLACE
Quatrième exportateur mondial, l'Australie a les moyens de le rester en dépit de sécheresses récurrentes. La consultante BTPL Gaïd Peton en revient avec cette analyse.
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FAUT-IL ENCORE COMPTER L'AUSTRALIE parmi les acteurs laitiers qui donnent le « la » du marché mondial ? Avec 9,5 milliards (md) de litres de lait (23,5 pour la France), la grande île n'est pas véritablement une grande puissance laitière. Seulement, elle exporte certaines années jusqu'à 50 % de sa production sur le marché mondial. De quoi le faire basculer vers un effondrement ou une envolée des cours. Rappelons que le marché mondial ne représente que 8 % des produits laitiers échangés. Un excédent ou un déficit de 1 à 2 Mt a un impact considérable sur les prix. C'est ce qui s'est passé en 2007. Le passage à vide de l'Australie de 2006 à 2009, sous l'effet de longues périodes de sécheresse, avait contribué à la flambée des cours de la poudre. Ce scénario se reproduit depuis début 2013 alors que le pays est en pleine campagne laitière (à contre-saison de l'Europe). Traversé par des sécheresses au sud-est (principal bassin laitier) et des inondations au nord-est, le début de la campagne 2012-2013 est marqué par un recul de la collecte et surtout des exportations de près 8 %.
Combiné à celui de sa voisine la Nouvelle-Zélande, il participe à l'envolée actuelle des cours mondiaux.
DES ÉLEVEURS MOTIVÉS ET PASSIONNÉS
Malgré ces aléas climatiques, l'Australie ne manque pas de ressort. Les industriels ne sont pas prêts à renoncer aux marchés asiatiques, faciles d'accès et porteurs. De leur côté, les producteurs ont montré ces trois dernières années leur capacité à résister et à rebondir. Certes, la collecte a chuté de 2,25 md de litres de 2001 à 2010. Néanmoins, elle s'est stabilisée depuis autour de 9,5 md et même a progressé de 4,2 % en 2011-2012, stimulée par des prix et un temps au beau fixe. Mais pas seulement. Après une restructuration effrénée sur la dernière décennie (arrêt de 37 % des fermes laitières, 25 % de vaches en moins), les éleveurs aujourd'hui en place sont motivés, même si, comme en France, leur vision de l'avenir est plus ou moins optimiste selon la conjoncture du moment.
L'exploitation moyenne est passée de 190 vaches pour 943 000 litres en 2003 à 240 vaches pour 1,4 Ml. Chad et Carita Parker sont à l'image de cette mue fulgurante.
Installés depuis cinq ans dans le sud du Queensland, ils ont doublé leur troupeau pour arriver à 250 vaches, principalement des jersiaises. « Nous voulons continuer à agrandir notre troupeau et à améliorer sa productivité, affirme le couple. Nous avons acheté une autre ferme destinée à l'élevage des génisses. Nous souhaitons désormais investir dans le confort des animaux, comme la couverture de leur auge. » Visiblement, le confort de travail n'est pas leur priorité. La salle de traite, une 2 x 10 postes, est plutôt vétuste mais sa modernisation n'est pas au programme.
« Dans cette région très sujette aux inondations (1 200 mm de précipitations par an), la motivation de ces deux jeunes éleveurs est impressionnante, souligne Gaïd Peton, du BTPL qui revient d'un voyage d'étude en Australie. En février dernier, c'était la troisième fois de l'été que le Queensland était sous l'eau. Ils ne renoncent pas pour autant à leur projet. » Ce que confirment Chad et Charita : « Les futures étapes seront la construction d'une fabrique d'aliments à la ferme pour réduire le coût des concentrés. » Ils distribuent 1 800 kg de céréales par vache, associés à de l'ensilage de kikuyu (herbe tropicale) et de ray-grass anglais. C'est une pratique en vogue.
LES CÉRÉALES, LEVIER DE RÉSISTANCE AUX ALÉAS CLIMATIQUES
L'introduction de céréales dans les rations aide les éleveurs australiens à augmenter le niveau laitier de leur troupeau. L'intensification animale fait clairement partie de leur stratégie de développement. La preuve : la production moyenne s'est hissée à 6 000 kg/vache, tandis que les Néo-Zélandais stagnent à 4 000 kg. Les céréales dans l'alimentation sont aussi un moyen de résister aux aléas climatiques. Assurément, elles ont permis à la ferme laitière australienne de ne pas s'effondrer cette dernière décennie, même si c'est au prix d'une forte restructuration. Il ne faut pas oublier que les céréales sont la deuxième production agricole, derrière la viande.
Dans certaines zones de l'État de Victoria propices à l'herbe, l'intensification des systèmes de production s'accompagne même de l'apparition du maïs-ensilage. « C'est la première fois que je cultive du maïs. J'ai récolté 21 t de MS/ha en avril dernier », confie Andrew Tyler, à la tête de 400 vaches dans le nord-ouest de Victoria.
La contrepartie est une hausse des charges opérationnelles. « Elle ne remet pas en cause la rentabilité globale des systèmes australiens, estime Gaïd Peton. Sans disposer de chiffres précis, il est évident que leurs coûts de production sont plus faibles que la plupart des systèmes européens grâce à leurs charges de structure limitées. En termes de bâtiment, les seuls animaux hébergés sont les veaux, même si le confort des nurseries peut sembler spartiate, vu de France. Ils n'ont actuellement pas besoin d'investir dans le stockage des déjections. »
Ces coûts de production en deçà du niveau européen donnent un avantage compétitif à la filière australienne. Une filière qui n'a pas l'intention de renoncer au marché mondial, et tout particulièrement au marché asiatique.
À LA CONQUÊTE DE L'ASIE SI LES VOLUMES SONT LÀ
En dépit des aléas climatiques, elle reste quatrième exportateur mondial derrière les USA. « Si les volumes de lait sont au rendez-vous, elle ira à la conquête de l'Asie, facilement accessible, assure Gaïd Peton. Au minimum, elle va tout faire pour maintenir ses positions actuelles. » L'agence Dairy Australia prévoit pour 2013-2014 une collecte de 9,4 à 9,6 md de litres (en climat normal) contre 9,35 md en 2012-2013. « La croissance du marché mondial permet également aux entreprises australiennes de résister plus facilement à la pression des GMS, complète Gaïd Péton. Comme en France, la croissance du marché intérieur est modérée (+1 % par an). La négociation des prix y est difficile, dominée par deux distributeurs. » Si l'Australie suscite des interrogations chez les Français et les Européens, l'inverse est aussi vrai. Elle va suivre de près la sortie des quotas des Européens, qui par ailleurs bénéficient des aides Pac. Les Australiens n'en ont pas.
GAÏD PETON ET CLAIRE HUE
Gaïd Peton, consultante BTPL dans le Sud-Ouest, a passé une semaine en Australie mi-mars.
Chad et Carita Parker se sont installés dans le Queensland il y a cinq ans. Depuis, ils ont doublé l'effectif de leur troupeau. Ils sont à la tête de 250 jersiaises. Les inondations subies par trois fois ces huit derniers mois ne les détournent pas de leur projet : produire du lait.
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